Hors-Série - Le Code Théodose

27/11/2024

Dans cet épisode hors-série de Caput Mundi, explorez l'une des pages les plus fascinantes de l'histoire de l'Empire romain : la législation contre les païens sous Théodose II. Accompagné d'Appoline Marin, spécialiste en droit romain tardif, découvrez comment le Code Théodose a marqué le triomphe du christianisme et orchestré la répression des anciens cultes.


Comment ces lois étaient-elles conçues et appliquées ? Quels étaient leurs impacts sur la société et les croyances de l'époque ? À la croisée du droit, de la politique et de la religion, cet épisode vous dévoile les dessous d'un Empire en pleine mutation. Une plongée captivante dans l'histoire des lois qui ont façonné notre monde.


Rome, civilisation du droit

L'historien du droit Aldo Schiavone, écrit : « si nous devons aux Grecs la naissance du "politique", nous devons aux Romains celle du "juridique" ». Peut-être pouvons nous faire remonter cette notion au serment des plébéiens, que nous avons déjà abordé dans Caput Mundi : 

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le cours de Marie Bassano :


Le code Théodose, extraits

CTh. XVI, 10, 1

Date et lieu : 321 (8 mars), Sardique.

Imp. Constantinus A. ad Maximum.

Si qui de palatio nostro aut ceteris operibus publicis degustatum fulgore esse constiterit, retento more ueteris obseruantiae quid portendat, ab haruspicibus requiratur et diligentissime scribtura collecta ad nostram scientiam referatur, ceteris etiam usurpandae huius consuetudinis licentia tribuenda, dummodo sacrificiis domesticis abstineant, quae specialiter prohibita sunt. 1. Eam autem denuntiationem adque interpretationem, quae de tactu amphitheatri scribta est, de qua ad Heraclianum tribunum et magistrum officiorum scribseras, ad nos scias esse perlatam.

Dat. XVI kal. ian. Serdicae; acc(epta) VIII id. mar. Crispo II et Constantino II CC. conss.

L'Empereur Constantin Auguste A Maximus.

S'il arrivait qu'une partie de Notre palais ou de tout autre édifice public soit frappé par la foudre, que les haruspices recherchent le sens du prodige en respectant les formes de l'anciennes observance et qu'un rapport résumé soit porté en toute diligence à notre connaissance. Il est même permis à tous de se servir de cette coutume pourvu qu'on s'abstienne des sacrifices domestiques qui sont tout particulièrement interdits. 1. Sache que l'on Nous a transmis le texte du rapport et de l'interprétation sur la chute de la foudre de l'amphithéâtre, au sujet duquel tu avais écrit au tribun et maître des offices Heraclianus.

Donné le 16 des calendes de janvier à Sardique, reçu le 9 des ides de mars sous le 2e consulat des Césars Crispus et Constantin.

CTh. XVI, 10, 10

Date et lieu : 391 (24 février), Milan.

Idem aaa. ad Albinum praefectum praetorio.

Nemo se hostiis polluat, nemo insontem victimam caedat, nemo delubra adeat, templa perlustret et mortali opere formata simulacra suspiciat, ne divinis adque humanis sanctionibus reus fiat. Iudices quoque haec forma contineat, ut, si quis profano ritui deditus templum uspiam vel in itinere vel in urbe adoraturus intraverit, quindecim pondo auri ipse protinus inferre cogatur nec non officium eius parem summam simili maturitate dissolvat, si non et obstiterit iudici et confestim publica adtestatione rettulerit. Consulares senas, officia eorum simili modo, correctores et praesides quaternas, apparitiones illorum similem normam aequali sorte dissolvant. Dat. VI kal. mart. Mediolano Tatiano et Symmacho conss.

Les trois mêmes Augustes à Albinus préfet du prétoire.

Que personne ne se souille en offrant des victimes, que personne ne sacrifie une victime innocente, que personne n'entre dans les sanctuaires, que personne n'aille de temple en temple, que personne ne révère les statues façonnées de main d'homme, pour ne pas devenir passible de sanctions tant divines qu'humaines. Que les juges soient, eux aussi, contraints par cette règle : si l'un d'eux, adonné au rite profane, entre n'importe où dans un temple pour y adorer, que ce soit en chemin ou dans une ville, qu'il soit aussitôt forcé de payer un personne quinze livres d'or, que son bureau s'acquitte de la même somme avec une égale promptitude s'il ne s'était pas opposé au juge et s'il ne l'avait pas aussitôt dénoncé par une déclaration publique. Que les consulaires paient six livres d'or ainsi que leurs bureaux ; que les correcteurs et les praesides en versent quatre et que leurs appariteurs, partagent leur sort, fassent de même.

Donné le 6 des calendes de mars à Milan sous le consulat de Tatianus et Symmachus.

CTh. XVI, 10, 25

Date et lieu : 435 (14 novembre), Constantinople.

Impp. Theodosius et Valentinianus aa. Isidoro praefecto praetorio.

Omnibus sceleratae mentis paganae exsecrandis hostiarum immolationibus damnandisque sacrificiis ceterisque antiquiorum sanctionum auctoritate prohibitis interdicimus cunctaque eorum fana templa delubra, si qua etiam nunc restant integra, praecepto magistratuum destrui collocationeque venerandae christianae religionis signi expiari praecipimus, scientibus universis, si quem huic legi aput competentem iudicem idoneis probationibus illusisse constiterit, eum morte esse multandum.

Dat. XVIII kal. dec. Constantinopoli Theodosio XV et Valentiniano IIII aa. Conss.

Les Empereurs Théodose et Valentinien Augustes à Isidorus préfet du prétoire.

Nous interdisons toutes les immolations exécrables de victimes faites dans un esprit de scélératesse païenne, ainsi que tous les sacrifices condamnables et tout ce qui a été prohibé par l'autorité des lois anciennes. Nous ordonnons qu'en vertu d'un décret des magistrats tous leurs sanctuaires, leurs temples et leurs chapelles, s'il en reste encore maintenant qui soient intacts, soient détruits et purifiés par l'apposition du signe de la vénérable religion chrétienne. Que tous sachent que, s'il était établi par des preuves idoines auprès du juge compétent que quelqu'un se moquait de cette loi, il sera puni de mort.

Donné le 17 des calendes de décembre à Constantinople, sous le consulat de Théodose Auguste pour la 15e fois et de Valentinien Auguste pour la 4e fois.



Appoline Marin

Appoline Marin est une jeune chercheuse spécialisée en droit romain tardif et législation religieuse. Diplômée d'un master Mondes anciens et médiévaux à l'Université de Lorraine, elle a consacré son mémoire à l'analyse de l'usage des lois comme outil de répression contre le paganisme sous Théodose et ses fils. Passionnée par l'histoire des rapports entre droit, pouvoir et religion, elle nous apporte son éclairage expert sur le Code Théodose et ses implications dans la transformation de l'Empire romain.


Bibliographie

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MACMULLEN R. (2011) : Christianisme et paganisme du IVe au VIIIe siècle, Paris : Tempus Perrin.

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