S01E10 - La guerre des alliés
Dans le dixième épisode de Caput Mundi, je vous parle des causes et des conséquences de la guerre des alliés, aussi appelée guerre sociale (du latin socii). Une guerre ayant pour cause les inégalités entre les citoyens Romains et les Italiens. En effet, le Sénat a la main mise sur une grande partie de l'Ager Publicus, les territoires confisqués aux ennemis de Rome, ce qui génère beaucoup d'inégalités et les citoyens se retrouvent sans terre. La situation est pire pour les alliés qui ont des difficultés à faire valoir leur droit auprès des Romains alors qu'ils payent des taxes et participent à l'effort de guerre. Ce même effort de guerre qui a permis à Rome d'accumuler toutes ces richesses. Des Gracques, des frères tribun de la plèbes ayant menés des réformes agraires et frumentaires à Marius, consul, se constituant une armée de volontaires sans-terre qui échappe totalement au contrôle du Sénat, découvrez dans cet épisode comment l'Italie s'est liguée contre Rome pour obtenir ses droits.
Documents complémentaires :
Les Gracques
Tiberius et Caius Gracchus, œuvre d'Eugène Guillaume, xixe siècle.
« Gracques » est le nom donné à deux frères et tribuns de la plèbe, Tiberius Gracchuset Caius Gracchus, connus pour leur tentative infructueuse de réformer le système social romain. Ils sont issus de la nobilitas plébéienne, fils du consul Tiberius Sempronius et de Cornelia Africana, ils sont les petits-fils de Scipion l'Africain.
Tiberius, est tribun de la plèbe en 133 av. n.è, et soumet une proposition de loi agraire connue sous le nom de Rogatio Sempronia (-133), prévoyant la limitation au droit de possessio individuelle et la redistribution aux citoyens pauvres des terres récupérées.
Cette proposition va à l'encontre des intérêts des sénateurs, qui s'opposent à cette loi et achètent un autre tribun de la plèbe, Octavius, pour qu'il fasse usage de son intercessio (droit de veto). Tiberius en appelle au peuple pour destituer Octavius, une première, et la loi est votée.
Tiberius se représente à un second tribunat, lors de l'été 133 av. n.è, pour l'année 132 ; ce nouveau mandat lui est refusé. Il décide de faire pression sur l'assemblée avec quelques partisans. Une émeute conduite par le Grand Pontife Scipion Nasica éclate, au cours de laquelle Tiberius est tué ainsi que 300 de ses partisans.
Caius, est à son tour élu tribun de la plèbe en 124 av. n.è. pour l'année 123. Il ambitionne de diminuer les pouvoirs du Sénat romain et d'accroître ceux des comices (assemblée du peuple). Il s'alloue les faveurs de la plèbe et des chevaliers, principaux opposants au Sénat, avec plusieurs lois dont ils sont bénéficiaires.
Il tente dans un second temps de faire passer sa réforme agraire, qui va dans le même sens que celle de son frère :
- la juridiction des triumvirs, supprimée en 129 av. n.è., est rétablie ;
- les assignations de terre passent de trente à deux cents jugères pour permettre aux citoyens pauvres d'améliorer leur condition sociale ;
- la création de colonies afin de soutenir son projet : deux en Italie et une à Carthage.
Cela lui procure une grande popularité et lui permet de se faire réélire tribun de la plèbe en 123. Pour lutter contre lui, le Sénat utilise le tribun Marcus Livius Drusus, qui surenchérit sur les lois de Caius, détournant l'attention du peuple, et fait voter une loi supprimant les vectigales (redevances de l'ager publicus), exonérant les grands propriétaires et donc beaucoup de sénateurs.
Caius réplique en proposant la création d'une colonie de six mille hommes sur le site de Carthage et l'octroi de la citoyenneté romaine complète aux Latins et partielle (sine suffragio) aux Italiens afin de s'attirer leurs faveurs. Mais les propositions de Caius sont trop avancées pour la Rome de l'époque. Caius perd l'appui d'une partie du peuple et celui du consul Caius Fannius Strabo, dont il avait soutenu l'élection. Lorsque Caius part superviser la construction de la colonie à Carthage, ses adversaires en profitent pour le discréditer. Lors de l'élection des tribuns pour l'année 121., il n'est pas réélu. Aussitôt, une loi ordonne le démantèlement de la colonie de Carthage.
Caius tente alors de faire sécession avec ses partisans comme la plèbe jadis avait fait sécession contre les patriciens au Mont Sacré. Le Sénat réplique en promulguant un senatus consultum ultimum qui autorise l'élimination de Caius par n'importe quel moyen. Caius et son esclave fuient et arrivent au bois sacré de Furrina, sur le Janicule, où ils trouvent la mort en 121.
C'est la première fois, mais non la dernière, qu'un senatus consultum ultimum est prononcé et qu'une telle vague de violence envahit Rome à cause de divergences politiques.
Marius
Constatant cette popularité, Marius n'hésite pas à demander congé, d'abord refusé, pour briguer le consulat. Metellus est surpris de voir une telle ambition chez un homme aux origines modestes et qui, de surcroît, lui doit sa carrière. Devant le refus de Metellus, Marius n'hésite pas à nuire à son chef, convainquant ses soldats ainsi que tous les négociants romains et italiens d'Afrique qu'il ferait un bien meilleur commandant que le proconsul, et qu'il pourrait capturer Jugurtha, et donc mettre fin à la guerre, en bien moins de temps que Metellus. Fort de ces soutiens qui convainquent leurs contacts à Rome, il s'allie aussi à un riche prince numide éconduit par Metellus, Gauda, qui lui fournit l'argent nécessaire à sa campagne. Marius obtient de pouvoir retourner à Rome pour rendre compte de la campagne de son chef, qui vient de vaincre Jugurtha et le repousser jusqu'en Maurétanie.
Buste présumé de Marius, Musée Chiaramonti, Rome.
Marius part en Afrique combattre Jugurtha aux côtés de son patron Quintus Cæcilius Metellus, le consul de 109 (fait qui conteste la thèse de la brouille). Outre ses succès militaires, Marius s'illustre par son attitude envers ses hommes. N'hésitant pas à accomplir lui-même les corvées pour donner l'exemple, il développe des relations privilégiées avec eux, valorisant régulièrement ses origines « humbles ». Ses soldats étant les principales sources d'informations à Rome sur le déroulement de la guerre, il y acquiert vite une forte popularité.
Marius se présente aux élections consulaires et fait une intense campagne de dénigrement contre Metellus, l'accusant d'incompétence. Il obtient la magistrature suprême pour l'an 107, élu très largement, à l'âge de 50 ans, devenant un des premiers homo novus de la République. S'appuyant sur ses alliés au tribunat, Titus Manlius Mancinus et Caius Coelius Caldus, il se fait attribuer le proconsulat en Afrique et le commandement de la guerre de Jugurtha, en Numidie, au détriment de Metellus.
Avant de repartir pour l'Afrique, Marius procède à la levée de nouvelles troupes, ce qui aurait pu l'amener à rencontrer des difficultés comme le souhaitait le Sénat. Mais le nouveau consul n'hésite pas à recruter des « prolétaires » sans tenir compte des critères censitaires en vigueur. Sur la base du volontariat et non du cens, il parvient à réunir une importante armée, avec une part de vétérans qui avait servi avec lui en Hispanie quelques années plus tôt, et d'autre part des nouveaux combattants pauvres attirés par la promesse de butin. Il dépasse les effectifs autorisés par le Sénat et s'empresse de rejoindre l'Afrique, où Metellus refuse de le rencontrer mais lui laisse le commandement.
Marius reprend la campagne en Afrique, commençant par aguerrir ses troupes, sans jamais relâcher la discipline et sa vigilance. Il remporte de nombreuses escarmouches avant de s'emparer des principales villes numides, notamment Capsa, où il fait massacrer toute la population mâle adulte, réduit le reste à l'esclavage et rase la ville. Il peut alors mener campagne en direction de la Maurétanie du roi Bocchus, beau-père de Jugurtha. Des négociations s'ouvrent entre Bocchus et Marius, qui lui envoie un ancien préteur et son questeur Lucius Cornelius Sulla. C'est ce dernier qui est chargé des pourparlers, proposant au roi de Maurétanie l'alliance de Rome et des concessions territoriales. Ces négociations sont rendues difficiles par le fait que Jugurtha est tenu au courant des pourparlers, qu'il se méfie de son beau-père et que Bocchus lui-même hésite sur la marche à suivre.
Mais Marius ne peut tirer pleine gloire de cette victoire, car c'est Sylla, qui, après des tractations diplomatiques, capture lui-même Jugurtha. De là naît peut-être déjà une haine inaltérable entre les deux hommes. La victoire de Marius, en 105, le place au sommet de Rome, sa popularité est alors immense.
Italia
La citoyenneté romaine
Dans la Rome antique, la citoyenneté romaine offre des droits étendus et fondamentaux. L'ensemble de ces droits forme le droit de cité romain (jus civitas ou civitas). À l'origine, le droit de cité, c'est-à-dire la reconnaissance de la citoyenneté, est réservé aux hommes libres inscrits dans les tribus de la ville de Rome et de son territoire limitrophe. En 89, il est étendu à tous les hommes libres d'Italie
Pour en savoir plus sur la guerre sociale, écoutez l'épisode 10 de Caput Mundi ! Consultez la bibliographie ci-dessous et écrivez-nous pour toute question, remarque ou correction !
Bibliographie :
Plutarque, Vies. Tome VI : Pyrrhos-Marius. Lysandre-Sylla, CUF, Avec la contribution de : Marcel Juneaux, Texte établi et traduit par : Emile Chambry, Robert Flacelière, 1971.
Florus, Histoire romaine (lien remacle)
Le Bohec, Yann. Histoire des guerres romaines. Milieu du VIIIe siècle avant J.-C. - 410 après J.-C.Tallandier, 2017
Histoire Romaine, tome 1, Des origines à Auguste, François Hinard (dir.), Fayard, 2000, Paris.
Martin, Jean-Pierre, Alain Chauvot, et Mireille Cébeillac-Gervasoni. Histoire romaine. Armand Colin, 2019
Jean-Michel David, La romanisation de l'Italie, Flammarion, 1999
Jean-Michel Davide, "Rome et l'Italie de la guerre sociale à la mort de César : une nouvelle citoyenneté. État de la recherche", dans Pallas, Le monde romain de 70 av. J.-C à 73 apr. J.-C, n°96, 2014.
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Crédits : Production et texte par Jérémy Boulongne. Musique de Marine Parodi. Branding, Le Romograhe.
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